Les exoplanètes : une famille de poids lourds?
Beaucoup de Jupiters, peu de «superJupiters»
Armés de toutes ces précautions d’emploi, que pouvons-nous dire de la grande famille des planètes extrasolaires? Commençons par les masses minimales, qui varient dans une gamme de 0,02 MJ à 17,5 MJ, la borne inférieure n’étant autre chose que la limite de détection dans le cas le plus favorable. L’histogramme des masses montre une préférence marquée pour les masses inférieures à deux fois celle de Jupiter, et la moitié des planètes détectées ont une masse inférieure à 1,6 MJ. Comme on rate sans doute beaucoup de planètes peu massives, bien plus difficiles à détecter que les grosses, en réalité il y a certainement une prédominance encore plus forte des « petites » masses. Cette distribution des masses, avec une nette
préférence pour les «petites» masses, est donc un résultat robuste, indépendant des pervers effets de sélection. C’est d’ailleurs la même chose, toutes proportions gardées, pour les neuf planètes du système solaire : les petites planètes sont plus nombreuses que les grosses.
La forme de la distribution n’est pas en elle-même une surprise et la théorie «standard» de formation du système solaire l’explique aisément. Si les planètes se forment par accumulation au sein d’un disque protoplanétaire de corps plus petits, protoplanètes ou planétésimaux, il est assez logique qu’il y ait plus de petits objets que de gros, puisque ces derniers nécessitent plus de matière. Petit souci cependant : il est difficile d’expliquer la présence des très grosses planètes vers 8 à 10 MJ. Ceux-ci mettraient en effet des dizaines, voire des centaines de millions d’années à se former. Or toutes les observations indiquent qu’au bout de quelques millions d’années, dix tout au plus, les jeunes étoiles se sont débarrassées de leurs disques protoplanétaires. Comment? Toutes les étoiles perdent de la matière sous forme d’un vent continu de particules et d’éruptions violentes, le Soleil le premier: le vent et les éruptions solaires sont ainsi responsables des orages magnétiques et des aurores polaires sur la Terre. Mais les jeunes étoiles semblent dotées d’un vent très vigoureux qui parvient aisément à souffler les disques de gaz et de poussières dont elles sont entourées à leur naissance. Plus de disque, plus de gaz ni de poussières, plus de matériau pour que les planètes grossissent au-delà de quelques fois la masse de Jupiter. Encore un mystère qu’il va falloir éclaircir : comment les poids lourds de la famille des exoplanètes se sont-ils formés ? Cependant, vers les masses les plus élevées, on ne peut sans doute plus parler de planète. Dans la grande famille des exoplanètes, se sont sans doute glissés quelques intrus : ces étoiles avortées qu’on dit naines brunes. Les étoiles ordinaires, comme le Soleil, tirent leur énergie de la fusion de l’hydrogène en hélium. Les naines brunes, elles, tirent leur énergie de la fusion du deutérium, un isotope lourd de l’hydrogène, dont le noyau est composé de deux neutrons et d’un proton. La théorie prédit que ceci se produit dès 13 M¡. Si l’on tient compte de l’effet d’inclinaison, toutes les exoplanètes de masse minimale supérieure à 8 MJ sont suspectes. Cela ne fait cependant qu’une dizaine d’objets: l’éventuelle contamination est donc limitée.
Peut-on extrapoler ces observations aux très petites masses? Nous n’en savons rien, mais essayons quand même : on devrait alors trouver de l’ordre de 100 fois plus de planètes dans la gamme 0,1 à 30 masses terrestres que dans la gamme de 1 à 2 masses jupitériennes. Riche moisson en perspective…
Vidéo : Les exoplanètes : une famille de poids lourds?
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