Le rideau se lève : l'étoiles filantes
L’origine des essaims d’étoiles filantes fut révélée en 1861 par le grand astronome américain Daniel Kirkwood : ces essaims sont constitués de débris de comètes désintégrées, disséminés le long de leur orbite.Entre 1863 et 1865, le célèbre mathématicien américain Hubert Anson Newton entreprit de calculer les orbites des deux essaims connus et constata une similitude avec les orbites cométaires. Il remarqua en outre que l’essaim des Léonides et celui des Lyrides, visible en avril, ont également une périodicité annuelle. Ses recherches historiques lui révélèrent toutefois que les principales pluies des Léonides ont été observées dès l’an 902 (comme nous l’avons vu plus haut) à des intervalles de 33 ou 34 ans. Les averses les plus abondantes ont été enregistrées en 902, 934, 967, 1037, 1202 et 1366, mais une activité météorique a également été signalée en 931, 1002, 1101, 1533, 1602 et 1698. Il apparaît donc évident que les poussières ne sont pas distribuées de façon uniforme sur leur orbite, mais qu’elles sont regroupées dans une zone que la Terre traverse selon une périodicité précise. H. A. Newton fut ainsi en mesure de prévoir la date de la prochaine grande tempête, annoncée pour novembre 1866. Il ignorait alors que l’astronome allemand H.W. M. Olbers était arrivé à la même conclusion que lui quelques années plus tôt. La tempête eut bien lieu le 13 novembre 1866, mais elle ne fut toutefois pas aussi intense que celles de 1799 et 1833. Pour assister à ce spectacle fascinant, la vieille Europe se trouvait aux premières loges. Voici le récit ébloui qu’en fit Robert Bail, un astronome amateur anglais : «Les météores se distinguaient non seulement par leur multitude, mais aussi par leur splendeur. Je n’oublierai jamais cette nuit. Ce soir-là,
j’observais des nébuleuses dans le grand télescope de Lord Rosse, comme à mon habitude. Naturellement, je savais qu’une pluie de météores était prévue, mais rien de ce que j’avais entendu ne m’avait préparé au splendide spectacle auquel nous devions assister. 11 était environ 22 heures quand une exclamation de mon aide de camp détourna mon attention du télescope, juste à temps pour me permettre de voir un superbe météore traverser le ciel. Il fut suivi d’un autre météore, puis de plusieurs autres, par groupes de deux ou trois. […] Pendant les deux ou trois heures qui suivirent, nous assistâmes à un spectacle qui restera à jamais gravé dans ma mémoire. Le nombre des étoiles filantes augmenta peu à peu, de sorte qu’on en vit plusieurs en même temps… mais elles jaillissaient toujours de l’est. Tandis que la nuit avançait, la constellation du Lion s’éleva au-dessus de l’horizon, mettant en évidence la principale caractéristique de cette averse météorique : toutes les traînées lumineuses émanaient de cette région du ciel.» Le Royal Greenwich Observatory dénombra quelque 9 000 météores. Le maximum fut atteint entre 1 heure et lh30, avec plus de 120 étoiles filantes par minute.
Pendant cette pluie météorique, l’attention du célèbre John Herschel fut attirée par l’apparition de quatre météores extrêmement lumineux, dont les traînées persistèrent dans le ciel entre 5 et 14 minutes, laissant derrière eux des boules lumineuses qui partirent à la dérive, poussées par les vents d’altitude, sur une dis¬tance de 8 à 10 degrés, avant de s’évanouir. Le dernier, en particulier, «produisit un splendide anneau flamboyant de trois ou quatre degrés de largeur. Il resta visible pendant 14 minutes, s’épanouissant peu à peu en une boucle en forme de cœur, et finit par englober les principales étoiles de la Grande Ourse dans une immense couronne avant de disparaître. » On s’intéressa aussi aux couleurs de ces météores: à Greenwich, on les vit presque tous de couleur bleue, les autres étant blancs, blanc bleuté, jaunes, rouges et verts. Selon Herschel, une grande partie de ces météores était blanche, mais certains se distinguaient toutefois par une teinte orange ou vert émeraude. Quant à Hum- boldt, il estima que les deux tiers de ces météores étaient blancs, le tiers restant étant jaune, jaune rougeâtre ou vert. L’année suivante, une nouvelle pluie, un peu moins intense, se déclara. En Amérique du Nord, on dénombra 1000 étoiles filantes par heure et par observateur, et ce malgré la présence d’une Lune presque pleine. En 1868, le phénomène se répéta, avec une intensité comparable.
En 1866, le célèbre astronome italien Giovanni Virginio Schiaparelli commença lui aussi à s’intéresser aux météores. Il démontra que les étoiles filantes étaient bien d’origine cométaire et il découvrit le premier que chaque essaim météorique était associé à une comète bien précise. Il constata notamment que l’essaim des Larmes de saint Laurent était engendré par la comète Swift-Tuttle, découverte par deux Américains quatre ans plus tôt. Schiaparelli donna le nom de Perséides à cet essaim, d’après le nom de la constellation (Persée) où est situé son radiant. À la même époque, l’as¬tronome italien Angelo Secchi (l’un des grands pionniers de la spectroscopie stellaire) effectua de nouveaux calculs de parallaxe météorique : en fixant sa base entre Rome et Civitavecchia (situés à 65 km de distance), il trouva des altitudes comprises entre 75 et 250 km. En 1867, Schiaparelli et, de façon indépendante, l’astronome autrichien Theodor von Oppolzer et l’astronome allemand Cari Peters démontrèrent que les Léonides étaient associées à la comète Tempel-Tuttle, découverte l’année précédente. C’est également en 1867 que l’astronome autrichien Edmund Weiss révéla deux nouveaux liens de parenté entre météores et comètes : il associa d’une part l’essaim des Lyrides à la comète Thatcher, découverte en 1861, et d’autre part les Andromédides (ou Biélides), visibles en novembre, à la comète de Biela, dont la période était alors d’environ sept ans. Weiss ira même jusqu’à annoncer une pluie spectaculaire des Biélides vers le 28 novembre 1872 ou 1879. Et le 27 novembre 1872, on assista bel et bien à un spectacle impressionnant : en fin de journée, entre 17 h 30 et 23 h 50, un observateur posté à Greenwich comptera jusqu’à 10 000 traces de météores! Mais l’histoire de la comète de Biela est si curieuse qu’elle mérite qu’on s’y arrête.
Vidéo : Le rideau se lève : l’étoiles filantes
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