Le grand spectacle
En février, la comète Hale-Bopp dévoila finalement le meilleur de ses charmes. Au début du mois, alors que les conditions de visibilité étaient optimales (une hauteur d’une vingtaine de degrés), elle avait déjà atteint la magnitude 2. Avec les jumelles, on commençait à percevoir la division entre la queue d’ions et la queue de poussières, bien séparées.
Alors que cette dernière ne dépassait pas un demi-degré de longueur, la queue gazeuse était longue de plus d’un degré. Sur les photographies, cependant, les dimensions étaient au
moins deux fois supérieures.
À la mi-février, la comète avait atteint la magnitude 1,5. Située à la fin de la nuit à une hauteur de 22°, elle était nettement visible à l’œil nu, même pour un observateur occasionnel. Alors que le ciel était couvert, on pouvait facilement apercevoir avec les jumelles, depuis des altitudes moyennes (1000 m), une queue de poussières d’une longueur supérieure à un degré, nettement plus brillante que la queue d’ions, que l’on devinait à peine jusqu’à une distance de plus de 4° de la chevelure. Sur les photographies cependant, la queue de plasma atteignait environ 7° de longueur, ce qui équivalait à une longueur réelle de près de 70 millions de km.
En mars, la magnitude de la comète, toujours visible au matin, augmenta considérablement : au début du mois, elle était déjà de 0,5, malgré la présence de la Lune, qui était à son dernier quartier. En haute montagne, on apercevait sans instrument optique 2,5° de queue de poussières et près de 5° de queue de gaz. Vers le 10 mars, la comète avait déjà atteint la magnitude -0,5, ce qui confirmait les prévisions les plus optimistes et dépassait les résultats de la comète Hyakutake.
La double queue finit par être visible à l’œil nu. En une semaine, la queue de poussières atteignit une longueur de 5°, alors que la queue de gaz triplait de dimension, avec une longueur atteignant 13°.
À la mi-mars, la queue de poussières atteignit une longueur de 7°, alors que la queue de plasma, qui conservait une longueur de 13°, devenait presque aussi lumineuse que la queue de poussières. La chevelure avait au même moment, une magnitude de -1.
En théorie, la comète Hale-Bopp aurait dû être visible le soir à partir du 10 mars, mais on pensait que l’astre était trop bas (sous les 10°) pour être facilement visible, même en plaine. Après le 12 mars, on s’attendait en outre à ce que la Lune gêne considérablement l’observation. Pourtant, grâce à la forte luminosité de sa chevelure, la comète Hale-Bopp se moqua de la perturbation lunaire pour apparaître dans le ciel, tel un fantôme souriant, dès la mi-mars. Ce fut un spectacle étonnant, qui semblait relever d’une mise en scène aussi précise que mystérieuse : on pouvait voir, même en pleine ville, sa queue de poussières s’étendre parallèlement à l’horizon, comme pour rendre tangible son mouvement tourbillonnant.
À la fin du mois de mars, alors que la Lune avait disparu, la comète offrit un merveilleux spectacle : la queue de poussières s’allongeait de jour en jour et devenait de plus en plus lumineuse, de sorte que les observateurs pouvaient apercevoir, même dans les grandes agglomérations, sa brillante chevelure et les quatre ou cinq premiers degrés de sa queue de poussières. Curieusement, le parcours de la comète entre les constellations était parallèle à la Voie lactée. Aussi avait-on l’impression que la comète, avec ses deux queues, était suspendue à la bande blanche durant une bonne partie de son apparition, lin haute montagne, le spectacle était superbe : la queue de plasma, même si elle était de moins en moins visible, finit par atteindre une longueur de 15°, soit une longueur réelle de 100 millions de km (une des plus longues queues de tous les temps), s’enrichissant de structures filamenteuses particulièrement spectaculaires, visibles avec les jumelles comme sur les photographies.
Dès le début du mois de mars, la queue de poussières commença à présenter des stries particulières, fortement inclinées par rapport à l’axe de la queue. Ces structures rappelaient les bandes synchroniques déjà observées sur différentes comètes du passé, dont la comète Cheseaux, la comète Donati, la comète de 1910, la comète Arend-Roland, la comète Ikeya Seki et la comète West (voir «Les grandes comètes du passé»). Cependant, les stries ne paraissaient pas suivre des directions synchroniques : en d’autres termes, elles ne paraissaient pas provenir de poussières émises en même temps par le noyau. Peut-être avaient-elles été provoquées par des processus secondaires qui influençaient les grains de poussière dans la partie extérieure de la chevelure.
Quoi qu’il en soit, on n’avait jamais vu des structures de ce type sur des comètes situées à une telle distance du Soleil (1 U.A.). Continuant à s’allonger, la queue de poussières finit par atteindre 12° vers le 10 avril. Dès la fin du mois de mars, la chevelure avait dépassé les dimensions apparentes de la pleine lune (un demi-degré), qui équivalent à près de 2 millions de km. Et dès les premiers jours du mois, elle présentait, quand elle était fortement agrandie, une structure spectaculaire à coques concentriques, qui avait été observée sur des comètes antérieures, comme la comète Donati : ces structures sont produites par des jets de matière émanant du noyau qui, à cause de la rotation rapide du noyau lui-même (11,5 heures environ), tendent à se disperser sous forme de spirale. Généreusement entretenu par les abondantes réserves de matériaux volatils de la comète, le spectacle se poursuivit durant tout le mois d’avril et les premiers jours de mai. La comète Hale-Bopp présenta la magnitude -1 pendant presque un mois, de la mi-mars à la mi-avril, et conserva une magnitude négative durant 50 jours consécutifs, du 10 mars à la fin du mois d’avril. Aucune autre grande comète du passé n’avait atteint ce résultat. Rien d’étonnant, par conséquent, si le passage de la comète Hale-Bopp fut un phénomène très suivi.
La comète Hale-Bopp se caractérisa également par des émissions de rayons X. À vrai dire, les spécialistes, alertés par la découverte effectuée sur la comète Hyakutake, allèrent vérifier les données recueillies par le satellite ROSAT, mis sur orbite en 1990, et ils découvrirent ainsi que cinq autres comètes présentaient la même particularité. Cette fois, néanmoins, la découverte fut effectuée par un satellite italien, BeppoSAX, en octobre 1996.
C’est à l’Italie que revient également la découverte la plus retentissante relative à la comète Hale-Bopp : avec ses collègues de l’European Hale-Bopp Team, Gabriele Cremonese, de l’Observatoire astronomique de Padoue, découvrit pour la première fois la présence d’un troisième type de queue cométaire. Sur une image prise le 16 avril avec un filtre au sodium, depuis l’observatoire du Roque de los Muchachos (Canaries), on aperçut distinctement un appendice qui ne correspondait à aucune des deux queues connues. Il s’agissait d’une queue complètement gazeuse, qui était constituée, non pas d’ions mais de sodium à l’état neutre. Formée probablement sous l’action de la pression de la radiation solaire, mais composée de particules très légères, à la différence de la queue de poussières, cette queue tendait à se placer selon une géométrie rectiligne et dans une direction antisolaire.
Vidéo : Le grand spectacle
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