La Terre, l’Espace et au-delà : Une découverte inattendue
Nous sommes en juin 2004, à l’observatoire de La Silla, au Chili. L’un de mes étudiants en thèse, Michaël Bazot, observe une étoile, appelée Mu Arae. Il s’agit de la douzième étoile, par ordre de brillance, de la constellation de l’Autel, située dans l’hémisphère sud . Je suis avec lui pour quelques jours. Nous avons choisi d’observer cette étoile, en collaboration avec des collègues de Toulouse et de Paris, parce que nous savons quelle possède deux planètes géantes et que nous souhaitons mieux la connaître. Pour cela, nous utilisons l’instrument appelé HARPS, installé à l’arrière du plus grand télescope de la station.
Cet instrument est un analyseur de lumière. Il s’agit d’un spectrographe qui, comme un prisme, « disperse » dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel la lumière reçue des étoiles à travers le télescope. Ce n’est pas n’importe quel spectrographe : construit par l’équipe de l’observatoire de Genève sous la direction de Michel Mayor, il est d’une précision exemplaire. Il permet, par une technique particulière, d’étudier très précisément les mouvements de l’étoile par rapport à nous, ou plus exactement les mouvements de la partie de l’étoile tournée vers nous. Cette technique est appelée « méthode des vitesses radiales ».
Ces mouvements sont de deux sortes : il y a tout d’abord le mouvement global de l’étoile, qui se déplace dans l’espace, et puis les mouvements internes à l’étoile qui font vibrer sa surface. Les deux effets peuvent être détectés avec le même instrument. HARPS a été construit pour détecter des exopla- nètes. En effet, si une planète tourne autour d’une étoile, l’étoile bouge aussi d’une manière synchrone, car en réalité les deux grosses boules tournent autour de leur centre de gravité commun. Les effets sur l’étoile sont faibles, mais suffisants pour être détectés par un instrument comme HARPS, à condition que la planète soit assez grosse et assez proche de l’étoile pour que son influence ne soit pas négligeable. C’est par cette technique que Michel Mayor et Didier Queloz ont découvert la première exoplanète, avec un spectrographe semblable à HARPS mais plus ancien, en Haute-Provence.
Le mouvement d’une étoile dû à la présence d’une planète est régulier, avec une périodicité correspondant à la durée d’une révolution de la planète sur son orbite. Cela peut aller de un à plusieurs milliers de jours. Plus la planète est proche de l’étoile, plus la durée d’une révolution est courte. Ainsi, les astronomes qui recherchent des planètes par cette méthode effectuent des observations d’une étoile pendant quelques minutes seulement par nuit, puis recommencent les nuits ou les semaines suivantes, parfois un an plus tard, pour mettre en évidence des variations à long terme.
En revanche, les mouvements de la surface stellaire se produisent à une échelle de temps beaucoup plus petite : les vibrations ont typiquement une période de l’ordre de quelques minutes. Impossible de les confondre les unes avec les autres. Pour détecter ces vibrations dues aux ondes sonores, il faut donc observer l’étoile avec des poses très courtes, mais qui se suivent en continu pour mettre en évidence les variations temporelles courtes.
Ainsi, Michaël Bazot et moi cherchions à détecter et à étudier les vibrations sonores de l’étoile Mu Arae pour déduire des informations précises sur cette étoile centrale de système planétaire. A cette fin, nous l’avons observée durant huit nuits consécutives. Mission accomplie : les vibrations ont été détectées de manière suffisamment précise pour être utiles à notre recherche. Dans le même temps, ces huit nuits ont permis de découvrir un mouvement global de l’étoile, d’une période évaluée à neuf jours. C’est ainsi que, sans l’avoir cherché, par hasard, nous avons découvert la première « Super Terre » connue, d’une masse un peu supérieure à dix fois celle de la Terre. Depuis cette époque, une quatrième planète a été découverte autour de cette étoile, et de nombreuses autres « Super Terre » se sont révélées autour d’autres étoiles.
Cette histoire montre que les plus étonnantes découvertes se font aux frontières, là où on ne les attendait pas, parce que l’on cherchait autre chose. Les chercheurs d’exoplanètes n’auraient sans doute pas détecté la Super Terre de Mu Arae avec leur méthode. Il fallait pour cela l’observer d’une manière plus continue, ce que nous avons fait parce que nous cherchions les vibrations de l’étoile.
Vidéo : La Terre, l’Espace et au-delà : Une découverte inattendue
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La Terre, l’Espace et au-delà : Une découverte inattendue
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