La double queue
Si la comète se rapproche davantage du Soleil, il se forme une queue ou, mieux, deux queues distinctes, dont l’une est formée de poussières et l’autre de gaz ionisé (plasma). Les poussières sont chassées par la pression de la lumière solaire et, comme nous l’avons déjà vu, elles forment une queue incurvée parce que les particules plus légères sont chassées plus loin que les particules plus lourdes : continuant à participer du mouvement orbital de la comète, les particules plus légères suivent donc des orbites plus vastes, qu’elles parcourent, en vertu des lois de Kepler, plus lentement que les particules plus lourdes, restant en arrière par rapport à ces dernières. Comme nous l’avons déjà dit, la couleur jaunâtre de ces queues est simplement due à la réflexion de la lumière solaire par les poussières.
Quant aux gaz ionisés, ils sont chassés par le vent solaire, un flux de protons et d’électrons qui émane de notre étoile. Les gaz de la chevelure vont se heurter au vent solaire, qui donne naissance, à une distance de 50 000 à 100 000 km devant le noyau de la comète, à une onde de choc. C’est le long de cette onde que se rassemblent les ions cométaires, en suivant les lignes de force du champ magnétique solaire. Le vent solaire, qui voyage dans l’espace interplanétaire à 400 km/s, possède en effet une densité très faible (pas plus de 10 particules par centimètre cube) : il n’est pas en mesure de déplacer les atomes et les molécules neutres de la chevelure, mais quand il rencontre les particules chargées du plasma cométaire, il peut les enchaîner au champ magnétique solaire.
Même si elles sont plus évanescentes que les queues de poussières, les queues de plasma atteignent de plus grandes dimensions, qui dépassent souvent 100 millions de km. Puisqu’une comète peut se déplacer transversalement en traversant le mouvement du vent solaire, il arrive souvent que la queue de plasma s’incurve elle aussi, un peu comme la fumée qui, sortant d’une cheminée, entre en contact avec l’air en mouvement. En réalité, si le champ magnétique du Soleil varie fortement et continuellement, la queue de plasma peut produire des formes particulièrement tordues et complexes, caractérisées par des rayons, des agglomérats, des stries, des nodules ou des formations hélicoïdales. Ces structures se déplacent très rapidement le long de la queue, atteignant même des vitesses de 50 km/s et produisant en une demi-heure seulement des
variations structurales de la queue. Edward Emerson Barnard, un des pionniers de la photographie astronomique, fut le premier à décrire précisément ces phénomènes. Les splendides images qu’il réussit à obtenir avec de simples astrographes de focale limitée, depuis l’observatoire Yerkes (États-Unis), à la fin du XIX et au début du XX siècle, montrent la complexité des queues de plasma.
Les photographies de Barnard apportèrent pour la première fois des informations sur le détachement de la queue de plasma, qui se sépare de la chevelure et disparaît dans l’espace pour être remplacée par une nouvelle queue. Parmi les comètes observées, la comète lîrooks (1893,1911), la comète de Halley (1910) et surtout la comète Morehouse (1908) furent celles qui illustrèrent ce phénomène de la façon la plus éclatante.
Plus récemment, le phénomène fut observé lors du passage d’autres comètes célèbres : la comète Mrkos (1957), la comète Kohoutek (1974), la comète de Halley (1986) et la comète Hyakutake (1997). Aujourd’hui, nous savons que le phénomène se produit quand la comète traverse des régions du champ magnétique solaire dotées de polarités opposées. La comète perd sa queue quand elle traverse la limite d’un secteur magnétique, parce que le secteur nouveau contient un champ magnétique opposé à celui d’où provient la queue. Le champ magnétique solaire est constitué de quatre secteurs à polarités alternées, qui s’étendent dans l’espace en tournant autour du Soleil, en une période de 25 jours, si bien que le phénomène de détachement peut se produire plus d’une fois par semaine.