Découvrir des comètes
La découverte des comètes exerce une fascination tout à fait particulière, parce que c’est le seul type de découverte astronomique qui permet à son auteur de donner son nom au corps céleste. Dans le passé, on admettait jusqu’à trois découvreurs indépendants; aujourd’hui, on n’en accepte plus que deux.
Au siècle dernier, les découvertes étaient exclusivement visuelles : les astronomes utilisaient des télescopes (comme Brooks, avec des diamètres de 13 et de 23 cm) ou des lunettes (comme Barnard et Swift, qui utilisèrent des instruments de 15 cm), généralement à longue focale. Aujourd’hui, les astronomes professionnels se servent de télescopes photographiques à grand champ et de caméras CCD semi-automatiques, comme celle qui équipe le télescope Spacewatch de 91 cm de l’observatoire de Kitt Peak, en Arizona. Certaines comètes sont même découvertes par des satellites artificiels : le satellite Solwind, chargé d’étudier le vent solaire, découvrit six comètes du type sungrazer, alors que le satellite Solar Maximum Mission en découvrit dix. Il est aussi arrivé qu’une comète soit découverte à la fois par un satellite et par des observateurs au sol : en 1983, le satellite IRAS partagea cet honneur avec le Japonais Araki et l’Anglais Alcock. Cette comète, qui approcha la Terre de très près (moins de 5 millions de km), fut d’ailleurs la comète la plus brillante observée entre 1976 et 1996. Parmi celles récemment découvertes par des satellites, on retiendra en particulier les comètes identifiées par la sonde SOHO (ESA- NASA), qui, en orbite solaire, photographia quelques dizaines d’objets sungrazer. Néanmoins, une grande partie des comètes est encore découverte visuellement par les innombrables astronomes amateurs du monde entier. Beaucoup préfèrent encore se servir de réfracteurs classiques, mais de courte focale, comme l’Américain Leslie Peltier, actif vers le milieu du siècle, qui utilisait un réfracteur de 15 cm ouvert à f/8, ou comme l’Australien William Bradfield, qui utilise un réfracteur de 15 cm ouvert à 1/5,5. Bradfield, qui exerçait la profession d’ingénieur dans le secteur des fusées (il est aujourd’hui retraité), s’est imposé comme l’un des plus grands découvreurs du xx siècle. Il détient un autre record singulier : il est le seul découvreur des dix-sept comètes qui ne portent donc que son nom. Certains astronomes préfèrent les grands réflecteurs, comme l’Américain David Levy, qui utilise, pour ses recherches, un télescope de 40 cm (il a aussi collaboré aux travaux des époux Shoemaker, au mont Palomar).
De nombreux amateurs jugent néanmoins plus commode de recourir à des jumelles géantes, qui permettent d’exploiter un champ plus grand et de mener plus aisément une activité de recherche particulièrement stressante. Les astronomes de l’observatoire Skalnate Pleso (Slovaquie), fondé en 1943 par Antonin Becvar dans les Tatras, à 1 780 m d’altitude, furent parmi les premiers à utiliser ces instruments. C’est avec des jumelles de 25 x 100 que dix-huit comètes furent découvertes, entre 1946 et 1959, par cinq observateurs différents, dont Ludmilla Pajdusakova, astronome solaire de formation, qui en découvrit six. Parmi ces observateurs figurait aussi Antonin Mrkos, qui continua ensuite ses recherches de façon indépendante et découvrit treize comètes. Sa découverte la plus importante a une histoire curieuse. Avant le crépuscule du 2 août 1957, Mrkos vit la queue de l’astre surgir de l’horizon; la chevelure apparut alors que le ciel était déjà clair. En réalité, la comète avait été découverte au Japon dès le 29 juillet et aux États-Unis dès le 31 juillet, mais Mrkos fut le seul à suivre correctement le protocole en vigueur, en expédiant immédiatement un télégramme à l’Union astronomique internationale. C’est ainsi que la comète ne porte que son nom.
L’Anglais George Alcock, qui découvrit six comètes, utilisait aussi des jumelles, de 25 x 105. Quant aux Japonais, qui sont aujourd’hui parmi les découvreurs les plus prolifiques (il suffit de rappeler les noms de Masaru Arai, Tsuruhiko Kiuchi, Tsutomu Seki, Minoru Honda et Kaoru Ikeya), ils se servent souvent de gigantesques jumelles de 25 x 150.
Comme le montre le tableau de la page 47, Carolyn Shoemaker, encore en activité, a de grandes chances de devenir la plus grande découvreuse de comètes de tous les temps. L’astronome américaine recourt à la méthode photographique, beaucoup plus efficace, en se servant du télescope Schmidt de 46 cm du mont Palomar. Dans le passé, d’autres femmes se rendirent célèbres par la découverte de comètes : outre Ludmilla Pajdusakova, déjà citée, on retiendra le nom de l’Américaine Maria Mitchel, qui découvrit sept comètes, et de l’Anglaise Caroline Herschel, sœur du grand William (dont elle utilisait les grands télescopes), qui identifia huit comètes entre 1786 et 1798 et qui fut ainsi la première femme à en découvrir. Aujourd’hui, une place de choix revient à l’Américaine Jean Mueller, qui a découvert huit comètes, neuf astéroïdes particuliers et 49 supernovæ !
Dans la péninsule italienne, le plus grand nombre de découvertes – six comètes au total- revient à Giovan Battista Donati, déjà cité, directeur de l’observatoire astronomique de Florence, qui fut actif entre 1854 et 1864, et au père jésuite Francesco De Vico, directeur de l’observatoire du Collège romain, qui fit ses découvertes en trois années seulement, entre 1844 et 1846. Au xx siècle, seuls trois Italiens se distinguèrent dans ce domaine. L’astronome amateur Giovanni Bernasconi découvrit trois comètes entre 1941 et 1948 : deux avec des jumelles de 15 x 60, une avec un réfracteur de 120 mm. L’astronome professionnel Roberto Barbon identifia une comète en 1966, depuis l’observatoire du mont Palomar. Enfin, Mauro Vittorio Zanotta, qui découvrit une comète en 1991, est le dernier des découvreurs italiens. Naturellement, le plaisir de la découverte est d’autant plus grand que l’objet décelé est destiné à devenir lumineux, voire spectaculaire. Il n’est donc pas vraiment exact, comme on l’a écrit, qu’il suffit de découvrir une comète pour devenir «immortel dans les deux». Pour qu’un astronome accède à une célébrité durable, voire éternelle, il est indispensable que la comète découverte devienne une grande comète. C’est ce qui arriva en 1996 au Japonais Yuji Hyakutake.
Une arrivée inattendue
La découverte de la comète Hyakutake fut tout à fait surprenante : l’astre apparut au moment même où tous les astronomes se préparaient à observer la comète Hale-Bopp, qui avait été aperçue en juillet 1995 et qui s’annoncait, bien avant son passage au périhélie (presque deux ans), comme la première grande comète depuis 1976. Au printemps 1996, la comète découverte par Hyakutake lui ravit cependant la vedette. On constata tout de suite que la nouvelle venue allait passer très près de la Terre à la fin du mois de mars : entre le 24 et le 27 mars, elle allait se trouver à 0,1 U.A., soit à 15 millions de km seulement. La comète brillerait certainement comme une étoile de magnitude 1, même si, en raison de la proximité de la Terre, sa luminosité allait se distribuer sur une surface assez grande. Alors que les prévisions relatives à la luminosité étaient assez faciles à faire (la comète avait été découverte quand elle était proche du Soleil, et il ne pouvait y avoir de surprise), il était plus difficile de prévoir la longueur et la luminosité de la queue. Déçus par les expériences précédentes, presque tous les spécialistes conservaient une certaine prudence.
Cette réserve parut tout d’abord justifiée : le 14 mars, la queue mesurait moins d’un degré et le 20 mars, à peine plus de deux degrés.
Vidéo : Découvrir des comètes
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Découvrir des comètes
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