Une science aux frontières: les systèmes planétaires
La révolution des exoplanètes :
Depuis 1995, la découverte de planètes autour d’étoiles autres que le Soleil (les exoplanètes) constitue une double révolution. D’abord, les centaines de systèmes planétaires découverts possèdent de grandes différences avec notre système solaire. Ensuite s’ouvre la recherche à exoterres, exoplanètes comparables à la Terre et qui pourraient abriter une forme de vie. Si la question est ancienne, nos moyens d’investigation permettent de l’aborder de front et une nouvelle science émerge, l’exobiologie.
La question de l’existence d’exoplanètes, comme celle d’une vie extraterrestre, est apparue dès l’Antiquité dans les écrits de Démocrite et d’Epicure, puis de nombreux philosophes ou astronomes (Fontenelle, Kant, Flammarion). Les premières recherches autour d’étoiles proches utilisèrent la technique d’astrométrie : on cherchait à détecter un petit mouvement périodique de l’étoile, car si l’étoile avait un compagnon, elle devait osciller autour du centre de masse du système. C’est ainsi que, dans les années 1950, l’astronome Van der Kamp suggéra la présence d’un compagnon peu massif autour de l’étoile de Barnard. Mais ses mesures furent infirmées, sa technique astrométrique étant trop peu sensible.
En 1992, première surprise : D. Frail et A. Wolszczan observent des anomalies dans la périodicité du signal émis par un pulsar (PSR 1257+12) et lui attribuent trois compagnons (dont deux proches de étoile de type solaire. M. Mayor et D. Queloz, de l’observatoire de Genève, trouvèrent une périodicité dans la mesure de la vitesse radiale de l’étoile 51 Peg. Leur méthode, la vélocimétrie, recherche, comme l’astrométrie, à détecter le mouvement de l’étoile autour du centre de masse du système : on mesure ici, avec une précision de quelques mètres par seconde, la vitesse de l’étoile par rapport à la Terre. La découverte fit sensation, car cette première vraie exoplanète a d’étranges caractéristiques : avec une masse au moins égale à la moitié de celle de Jupiter, elle tourne autour de 51 Peg à une dislance de 0,05 unité astronomique (UA), soit une « année » inférieure à 5 de nos jours ! Depuis 1995, les découvertes d’exoplanètes se sont multipliées. Nous connaissons, à la mi-2009, environ 300 étoiles possédant une ou plusieurs exoplanètes ; la plupart des découvertes sont dues à la vélocimétrie. Le nombre total d’exoplanètes connues à la mi-2009 est de plus de 350.
Une seconde méthode de détection a vu le jour, l’observation d’un transit planétaire, au cours duquel le flux de’ l’étoile présente une faible décroissance (de l’ordre du pour cent pour une exoplanète géante) lorsque la planète éclipse l’étoile : cela ne peut se produire que lorsque la Terre est dans le plan de l’orbite planétaire, soit dans 1 cas sur 100 environ. La première exoplanète découverte par transit a été celle de l’étoile HD209458 d’abord détectée avec un petit télescope terrestre, puis avec le télescope spatial Hubble. A la mi-2007, nous connaissons plus d’une vingtaine d’exoplanètes détectées par transit, dont sept objets mis en évidence par le satellite CoRoT, lancé par le Centre national d’études spatiales en décembre 2006.
Depuis 2006, d’autres méthodes de détection sont apparues. La technique dite de microlentille permet de détecter la présence d’une planète autour d’une étoile lorsque celle-ci passe devant un objet éloigné, provoquant une amplification du flux par effet de lentille gravitationnelle. Enfin la détection directe d’exoplanètes devient aujourd’hui possible grâce aux progrès de l’imagerie à haute dynamique.
La plupart des exoplanètes connues ont une masse comparable à celle de Jupiter, car la détection par vélocimétrie favorise la détection des objets les plus massifs. Beaucoup d’entre elles sont situées, comme la première, à proximité immédiate de leur étoile, si bien que ces systèmes planétaires diffèrent fortement du nôtre.
Pourquoi est-il si surprenant de trouver des exoplanètes géantes si proches de leur étoile ? Parce que le scénario de leur formation ne paraît pas l’autoriser: un nuage interstellaire en rotation se contracte et s’effondre en un disque ; de tels disques, appelés protoplanétaires, sont souvent observés. La matière centrale s’effondre en une protoétoile et, au sein du disque en rotation, des planètes se forment à partir de microparticules solides s’agglutinant par collisions, formant des embryons croissants, puis un noyau planétaire. La masse ultime de la planète dépend de la quantité de matière solide disponible. À grande distance de l’étoile, la température est suffisamment basse pour que les éléments chimiques (hormis l’hydrogène et des gaz rares) se combinent sous forme de glaces solides. Les noyaux devenus assez massifs (plus de 10 masses terrestres) capturent par gravité le disque protoplanétaire environnant, surtout composé d’hydrogène et d’hélium : c’est le scénario le plus souvent invoqué pour expliquer la formation des planètes géantes. En revanche, à proximité de l’étoile, la température est trop élevée pour que les glaces à base de carbone, azote et oxygène puissent rester à l’état solide. Seuls les silicates et les métaux (relativement peu abondants dans l’Univers) contribuent à la formation d’un noyau planétaire, dont la masse est alors proche de celle de la Terre. Ces planètes telluriques, solides, sont trop peu massives pour retenir une atmosphère gazeuse d’hydrogène, leur mince atmosphère de gaz (oxygène, méthane) vient plutôt d’un dégazage interne et d’impacts météoritiques.
Dans ses grandes lignes, ce scénario est robuste, car il s’appuie sur bien des faits expérimentaux : ainsi, dans le système solaire, les orbites planétaires sont quasi coplanaires, quasi circulaires et concentriques. Avec la détection de nombreux disques protoplanétaires autour d’étoiles proches, on pouvait raisonnablement supposer applicable à d’autres étoiles ce modèle de formation. Mais les caractéristiques des exoplanètes géantes détectées prouvent qu’existent des systèmes différents : outre la faible distance à leur étoile, les orbites présentent souvent une forte excentricité. Comment expliquer ces particularités ? Un scénario, d’abord présenté par D. Lin et ses collègues et repris depuis par de nombreux auteurs, a retenu l’attention. Il suggère qu’après la formation, au sein du dis-que et loin de l’étoile centrale, d’une exoplanète géante celle-ci migre vers l’étoile suite à des phénomènes d’interaction entre la protoplanète et le disque. À proximité de l’étoile (à environ 0,05 UA), la migration cesserait faute de matière dans le disque, le vent issu de l’étoile ayant chassé les débris non incorporés dans les noyaux.
D’autres planètes semblables à notre terre ?
Reste la question des exoterres – exoplanètes de taille et de masse terrestre – et celle des superterres : il s’agit des planètes dont le noyau n’a pas atteint la masse critique, d’environ dix masses terrestres, qui permet de capturer le gaz environnant. Leur rayon ne peut donc guère dépasser trois rayons terrestres. Si elles existent, les exoterres seront prochainement détectables. Combien allons- nous en découvrir ? Seront-elles plus fréquentes que les exoplanètes géantes ? Le système solaire constitue-t-il l’exception ou la règle ? Si son occurrence est largement répandue dans l’Univers, de nouvelles questions surgissent : existe-t-il des exoterres habitables ? La vie a- t-elle pu s’y développer ? Cette question majeure sera au cœur de l’astronomie du XXIe siècle.
En attendant les exoterres, la chasse aux superterres a commencé. Au printemps 2007, l’équipe de Michel Mayor a annoncé la détection, par vélocimétrie, de la première superterre, un objet dont la masse est cinq fois celle de la Terre, autour d’une étoile de type solaire. En avril 2009, la même équipe a annoncé la découverte de la plus petite exoplanète connue à ce jour, avec une masse inférieure à deux masses terrestres ; elle est la quatrième composante d’un système planétaire multiple, Gliese 581. En 2006 déjà, une exoterre de six masses terrestres avait été détectée autour d’une étoile de faible masse par la méthode de microlentille. En février 2009, l’équipe de CoRoT a annoncé la détection d’un objet de rayon inférieur à deux rayons terrestres, qui gravite autour de son étoile en moins d’une journée… Le satellite pourrait détecter jusqu’à une dizaine de superterres pendant les quelques années de sa mission. D’autres découvertes de superterres, par l’une et l’autre de ces méthodes, sont sans doute à venir.