Symétries brisées : Universalité et fractalité
Le problème devait resurgir dans les années 1960 avec l’invention de moyens expérimentaux nouveaux, tels que la diffusion de la lumière (lasers) ou la diffraction des neutrons, qui révélèrent que la théorie de Landau, bien que souvent qualitativement en accord avec l’expérience, était en fait quantitativement erronée. De plus, l’expérience révélait des propriétés physiques tout à fait extraordinaires : lorsqu’un tel changement de symétrie se produit, le système développe des structures autosimilaires, ou fractales, se reproduisant semblables à elles-mêmes sur plusieurs ordres de grandeurs successifs ; on constatait également que ce comportement était universel, c’est-à-dire indépendant du système spécifique considéré. Les travaux sur le groupe de renormalisation permirent de résoudre ce problème parmi bien d’autres. Partant de l’échelle de longueur microscopique, celle qui caractérise les distances entre atomes constituants, on construit par la pensée des systèmes fictifs dont les constituants élémentaires ne sont plus les atomes individuels, mais des petits paquets de quelques atomes. Ces paquets sont couplés entre eux, et leur interaction n’est plus exactement celle des atomes constitutifs initiaux. La répétition de cette opération mathématique induit une suite d’interactions successives de sorte que la physique que nous observons à notre échelle, gigantesque par rapport à l’échelle atomique, n’est que le résultat d’un très grand nombre d’itérations de cette opération. In fine, seul le résultat de cette suite d’itérations, c’est-à-dire mathématiquement un point fixe (ou invariant) de cette itération, gouverne le comportement que nous observons.
Cela permit de comprendre l’universalité du comportement, puisque seul importe le point fixe et non le point de départ de l’itération, puis de calculer les indices caractérisant le comportement autosimilaire du système. Cette méthode nouvelle a permis de comprendre le comportement de nombreux systèmes autosimilaires : comportement géométrique des longs polymères en solution, cristaux liquides, membranes et interfaces, etc.
Cet outil théorique puissant n’explique pas les mécanismes physiques qui régissent des systèmes spécifiques, bien des questions posées par les changements spontanés de symétrie échappent à son analyse. C’est ainsi que furent découvertes en 1986 des céramiques à base d’oxydes de cuivre qui restent supraconductrices à des températures bien plus élevées que tous les corps connus jusqu’alors le mécanisme qui explique cette propriété remarquable est loin d’être élucidé.