Planètes extrasolaires: la vélocimétrie
L’effet Doppler a la rescousse
Revenons aux exoplanètes qui nous intéressent, celles qui tournent autour d’étoiles proches du Soleil. La conclusion négative concernant l’hypothétique compagnon de l’étoile de Barnard a marque l’échec de l’astrométrie classique pour déterminer avec suffisamment de précision les petites oscillations de l’étoile centrale. Mais dans les années 1990, une autre méthode a atteint sa maturité: la vélocimétrie.
En quoi consiste cette technique? II s’agit de mesurer avec une grande précision la vitesse radiale de l’étoile (c’est-a-dire sa vitesse par rapport a l’observateur) en fonction du temps, pour mettre en évidence un éventuel mouvement périodique de cette étoile autour du centre de gravite du système étoile-planète. Le mouvement du compagnon ne peut être mesure, car celui- ci est trop peu lumineux pour être détecte. La méthode peut être utilisée a condition que l’or- bite de la planète que Ton veut détecter ne soit pas perpendiculaire a l’axe étoile-observateur, car dans ce cas, la vitesse radiale de l’étoile est nulle; notons que ce cas peu fréquent est au contraire le plus favorable a l’astrométrie.
Reste à mesurer la vitesse radiale de l’étoile avec une précision suffisante. Le mouvement périodique du Soleil du a la présence de Jupiter est de 12,5 m/s. Si nous voulons détecter un tel exo- Jupiter, il nous faudra être capable de mesurer des vitesses avec une précision meilleure que quelques m/s. Pour cela, on utilise la spectroscopie à haute résolution dans le domaine visible. On sait que si un astre se déplace par rapport a l’observateur, les raies de son spectre sont décalées par rapport a leur position initiale, vers le rouge si l’objet s’éloigne et vers le bleu s’il se rapproche. C’est ce que l’on appelle l’effet Doppler. Le spectre des étoiles présente un grand nombre de raies spectrales bien connues, dont on peut mesurer précisément le décalage Doppler. En utilisant un grand nombre de raies, on peut accroitre la précision jusqu’a atteindre les quelques m/s.
Atteindre la précision requise ne suffit pas: encore faut-il la conserver suffisamment longtemps. Si l’on cherche a détecter une planète de type Jupiter dans un « système solaire » éloigne, il faut atteindre 12 ans avant d’observer une révolution complète de la planète, c’est-a-dire une oscillation complète de l’étoile! II faut donc être particulièrement patient pour entreprendre ce genre d’étude…
Tours et détours de la détection par vélocimétrie
Une méthode sensible, mais avec quelques inconvénients
La présence d’une planète produit une variation dans la vitesse radiale d’une étoile qui dépend de plusieurs paramètres : la masse de l’étoile, la masse de la planète, sa période de révolution autour de l’étoile, et l’excentricité de son orbite. Pour donner des ordres de grandeur, plaçons-nous dans le cas le plus simple, celui d’une orbite circulaire. Dans ces cas, les variations de vitesse sont sinusoïdales de période égale à la période de révolution de la planète autour de l’étoile, P. Leur amplitude, K, en m/s, vaut:
K = 28,4 P-1/3 (Mp sini) M –2/3
Où l’on a choisi des unités « naturelles » : la période de révolution P est donnée en années, la masse de la planète en masses de Jupiter, et celle de l’étoile en masses solaires. Si Jupiter était à 1 UA du Soleil, il induirait ainsi une variation de vitesse radiale de notre étoile de 28,4 m/s; mais dans le cas de la Terre, la variation n’est que de 0,1 m/s! On remarque que ce n’est pas la masse de la planète qui intervient directement, mais la quantité Mp sini, où l’angle i définit sous quelle inclinaison on voit depuis la Terre l’orbite de la planète, quand l’angle vaut 90°, on voit l’orbite «de profil». Dans ce cas, sin i vaut alors 1, la variation de vitesse est maximale.
Quand i est nul, on voit l’orbite « de face »; sin i vaut alors 0, et il n’y a pas de variation de vitesse radiale. Dans le cas le plus général, on voit l’orbite sous une inclinaison quelconque, i est compris en 0 et 90°, et Mp sini est compris entre 0 et la vraie valeur de la masse de la planète.
Sans autre source d’information que la mesure des vitesses radiales, on ne connait pas l’inclinaison de l’orbite de la planète, et donc la valeur de sin i. C’est la le grand inconvénient de cette méthode: elle permet de déterminer non pas la masse de la planète, mais la valeur minimale de cette masse. Les paramètres obtenus sont donc la masse minimale et la période (directement reliée au demi grand axe de l’orbite, a, par la troisième loi de Kepler), ainsi que l’excentricité de l’orbite si elle n’est pas circulaire.
La méthode n’est pas exempte de biais. Plus la masse de la planète est grande, plus la perturbation de la vitesse radiale est marquée. II en va de même pour les périodes courtes. La méthode de vélocimétrie aura donc une préférence marquée pour les planètes de grande masse et de courte période, proches donc de leur étoile: on aura reconnu les «Jupiter chauds ». Dernier biais qui défavorise les planètes en orbite lointaine: pour détecter sans ambiguïté une planète, il vaut mieux que la durée de surveillance de l’étoile soit au moins égale à sa période de révolution.
Notons que la limite théorique de 1 m/s est difficile a atteindre car certaines des étoiles observées sont naturellement variables, comme l’est d’ailleurs le Soleil. Ces variations introduisent un «bruit» dans les observations qu’on ne peut éliminer. II faut de plus prendre garde a d’éventuelles variations périodiques de l’étoile – on sait par exemple que le cycle d’activité du Soleil suit une période de 11 ans – qu’il ne faut pas confondre avec la présence de planètes…
Comme la détection des planètes de pulsar, la méthode ne dépend pas en principe de la distance à l’étoile. En pratique, il est difficile d’atteindre les précisions de vitesse radiale requises sur des étoiles distantes, donc moins brillantes.
Vidéo : Planètes extrasolaires: la vélocimétrie
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