Lois déterministes et comportements aléatoires: Comportements chaotiques
De nombreux phénomènes naturels présentent des comportements temporels imprévisibles. Outre l’exemple traditionnel de la météorologie, on peut citer les tremblements de terre ou encore le champ magnétique terrestre : les mesures géomagnétiques montrent que celui-ci s’est renversé aléatoirement une vingtaine de fois depuis plusieurs millions d’années, permutant ainsi nord et sud magnétiques. Ces comportements, appelés « chaotiques », ont pendant longtemps été associés à la complexité des systèmes en question. Jusqu’aux années 1970, la plupart des physiciens estimaient à tort qu’un comportement temporel imprévisible ne pouvait résulter que de l’interaction d’un grand nombre de degrés de liberté. Ainsi, un comportement chaotique était modélisé par Landau comme résultant de la superposition d’un grand nombre de comportements oscillatoires à des fréquences différentes, le caractère imprévisible provenant de l’imprécision sur la détermination de chacune des phases des mouvements oscillants. Même s’il était connu depuis Poincaré que des systèmes non linéaires à petit nombre de degrés de liberté (deux oscillateurs non linéaires couplés par exemple) pouvaient engendrer des comportements temporels complexes, ce n’est que dans les années 1970-1980 qu’un ensemble de travaux théoriques et expérimentaux a permis de caractériser les comportements aléatoires de systèmes non linéaires régis par des lois déterministes. En particulier il fut montré comment ces comportements résultaient d’instabilités de régimes plus simples, périodiques par exemple, et qu’il existait un nombre limité de transitions vers le chaos, observables lorsqu’on varie un paramètre de contrôle du système considéré. Une découverte surprenante en a été que des systèmes régis par des lois différentes, tels que des oscillateurs électroniques couplés, des écoulements engendrés par des instabilités hydrodynamiques, des réactions chimiques oscillantes, etc., présentent des scénarios de transition analogues vers des régimes chaotiques. Cette universalité résulte de contraintes géométriques dans l’espace des phases. Il est ainsi possible de faire des prédictions sur les comportements dynamiques de systèmes à petit nombre de degrés de liberté sans connaître la forme précise des lois dynamiques. Ce résultat surprenant présente des analogies avec les transitions de phase au voisinage desquelles les comportements macroscopiques sont indépendants de la forme précise des lois d’interaction microscopique. Au-delà des scénarios de transition vers le chaos, des outils ont été développés afin de décrire les régimes chaotiques. Une propriété caractéristique en est la divergence exponentielle de deux trajectoires issues de points voisins dans l’espace des phases.
Cela signifie qu’une connaissance imprécise des conditions initiales ou toute perturbation infinitésimale conduisent rapidement à une erreur importante sur l’estimation de la dynamique du système. Il est donc illusoire de chercher à prédire celle-ci en détail ; seules des propriétés statistiques, ou des propriétés géométriques de l’attracteur sur lequel évolue le système dans l’espace des phases, peuvent être déterminées. L’étude du chaos temporel a ainsi conduit au développement de techniques nouvelles de traitement du signal. Au rang des applications, il faut aussi signaler l’utilisation possible de signaux chaotiques pour crypter la transmission d’un message ainsi que les techniques de contrôle afin de stabiliser des systèmes en supprimant leur comportement chaotique.