Les éclipses dans l’histoire
Une émotion pure:
Spectacle sans conteste grandiose et impressionnant, une éclipse totale de Soleil est peut- être l’expérience la plus frappante que la nature puisse nous offrir de vivre. Même s’il se révèle difficile d’effectuer des comparaisons avec les autres éminents phénomènes dont nous avons parlé, ce type d’événement est celui qui, en raison probablement de l’extrême brièveté de la phase de totalité, a suscité jusqu’à présent chez moi la plus vive émotion.
Une émotion à l’état pur, presque primordiale, semblable au désarroi qu’ont dû éprouver nos ancêtres face à de telles manifestations.
La loi du ciel:
Nul n’ignore en effet que les Anciens considéraient les éclipses comme de mauvais présages. Rappelons à ce propos que les civilisations antiques entretenaient un rapport étroit avec les phénomènes célestes. Il fallait décrypter les signes fondamentaux susceptibles de garantir la survie des diverses communautés, des signes relatifs au cours des saisons, aux variations atmosphériques et à la volonté des divinités. Dans la pratique, chaque phénomène céleste devait avoir son pendant sur la surface terrestre. Un événement astronomique quel¬conque n’était jamais sans conséquences pour le sort de la communauté.
La subite disparition du Soleil, ne serait-ce que pour de brefs laps de temps, était interprétée comme une perturbation de l’ordre cosmique. L’épisode que raconte Hérodote dans ses Histoires et qui se situe dans le cadre de la longue guerre opposant depuis cinq ans les Lydiens et les Mèdes est assez connu : « […] La sixième année, en pleine mêlée, le jour fit soudain place à la nuit. […] Lydiens et Mèdes, en voyant la nuit remplacer le jour, cessèrent le combat et furent beaucoup plus disposés à faire la paix. » On s’accorde à penser que le phénomène mentionné est celui survenu le 28 mai 585 av. J.-C. Le Soleil et la Lune mangés par différentes sortes de créatures monstrueuses : telle était généralement l’explication donnée aux éclipses. Il s’agissait d’un chien céleste en Chine; d’un oiseau aux ailes déployées chez les Indiens d’Amérique du Sud; cl d’un dragon en Arménie. En Inde, le Soleil et la Lune étaient engloutis par Rahu, l’un des démons qui luttèrent contre les dieux pour posséder la déesse Laksmï (l’équivalent de notre Vénus), ainsi qu’un nectar divin comparable à l’ambroisie.
Les démons remportèrent la victoire, mais alors que Rahu était en train de boire l’ambroisie, le dieu Nârâyana lui trancha la tête par surprise : depuis, elle parcourt le ciel pour tendre des pièges au Soleil et à la Lune.
Chez les Bouriates de la Sibérie orientale, à l’est du lac Baïkal, on croyait qu’un monstre dénommé Alkha poursuivait constamment le Soleil et la Lune et les dévorait. Exaspérés à la fin par les obscurcissements répétés du monde, les dieux coupèrent Alkha en deux. La moitié inférieure tomba par terre, mais la moitié supérieure continua d’importuner les cieux par sa présence : c’est la raison pour laquelle les éclipses se produisent encore, de temps en temps. Pour conjurer le danger, les Bouriates avaient coutume de crier très fort, de jeter des pierres et, plus récemment, de tirer en direction du ciel pour mettre en fuite le monstre. D’autres peuples adoptaient, et adoptent toujours pour certains, des comportements similaires. Les Kalinas du Surinam faisaient par exemple un vacarme terrible, en tapant sur tout ce qui était à leur portée pour éloigner les deux adversaires : le Soleil et la Lune qui, bien que frère et sœur, se querellaient parfois avec fureur.
Les membres de la tribu peau-rouge Chippewa (occupant la région des Grands Lacs américains) décochaient des flèches incendiaires vers le ciel, en espérant ainsi rallumer le Soleil. Les Sensi du Pérou agissaient de même, dans le but d’effrayer la bête sauvage qui attaquait le Soleil. Les Indiens de Colombie saisissaient leurs armes et entonnaient des hymnes de guerre, en promettant au Soleil et à la Lune de se repentir de leurs fautes et de se consacrer dès lors strictement à l’accomplissement de leurs tâches : en témoignage de leur volonté, ils se mettaient à travailler à des rythmes forcenés pendant toute la durée du phénomène. Au Moyen Âge, les Allemands chantaient «Victoire à la Lune ! » tout au long des éclipses de Lune. Dans l’Égypte antique, les éclipses survenaient parce que le démon Seth travesti en porc noir sautait sur l’œil d’Horus, le dieu du Soleil. Pour les anciennes tribus norvégiennes, le magicien Loki enchaîné par les dieux se venge en créant des loups gigantesques : Mânagarmr, qui provoque les éclipses de Lune en avalant cette dernière, et Skôll, qui cause les éclipses de Soleil en mangeant celui-ci.
Les Indiens d’Alaska avaient la ferme conviction qu’une maladie du Soleil était responsable de ses éclipses. En Transylvanie, on pensait que le phénomène était dû à la perversion de l’humanité : face à elle, le Soleil frissonnait, se tournait avec dégoût de l’autre côté et s’obscurcissait. Pour d’autres civilisations, en revanche, les éclipses revêtaient une signification positive. C’était le cas en Bohême, par exemple, où elles étaient censées favoriser la découverte d’or. Bon nombre de peuples envisageaient le phénomène comme l’union de deux époux. Ainsi, à Tahiti, une croyance très romantique voulait qu’avec l’arrivée de l’obscurité, le Soleil et la Lune, ne trouvant plus leur chemin, auraient créé les étoiles pour éclairer leur route. Chez les Peaux-Rouges canadiens, si, pour les Tlingits, le phénomène se produisait quand la Lune allait rendre visite à son mari, pour les Algonquins il avait lieu lorsque le Soleil prenait son enfant dans ses bras.
Un mythe allemand voyait, lui, les éclipses comme le résultat de la dispute entre les deux conjoints, la Lune étant en l’occurrence du genre masculin, et le Soleil du genre féminin.
Vidéo : Les éclipses dans l’histoire
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les éclipses dans l’histoire
https://www.youtube.com/embed/XCWIBzMWNlk