les compréhension du phénomène éclipse
Au-delà des interprétations mythiques, une multitude de tentatives d’explications physiques du phénomène eurent bien entendu tôt fait d’affluer, depuis la première et la principale hypothèse le mettant au compte des alignements entre le Soleil, la Lune et notre planète. On ne dispose évidemment pas de témoignages très anciens en la matière, mais on a raison d’estimer que l’homme du Paléolithique supérieur était déjà en mesure d’enregistrer assez minutieusement les phases de la Lune, un bon point de départ pour approfondir la question. Les fragments d’os d’animaux portant des inscriptions gravées disposées par séquences de trente que l’on a découverts en Afrique, en France, en Ukraine et en Espagne semblent en tout cas le prouver : ils datent tous de 9 000 à 20 000 ans.
Chacun sait que le grand monument mégalithique de Stonehenge, dont la fondation remonte à presque 5 000 ans, était un extraordinaire calendrier lunisolaire, à savoir un dispositif d’alignement et d’orientation avec les directions de lever et de coucher du Soleil et de la Lune à différents moments capitaux. On relève là aussi, entre autres, la présence de nombres en rapport, apparemment, avec les jours du cycle lunaire : il y a 30 arcades dans l’anneau de pierres qui composait autrefois le fameux Cercle de Sarsen, ainsi que 30 et 29 trous dans les deux systèmes d’ouvertures désignés conventionnellement sous le terme de trous Z et trous Y (la moyenne des deux chiffres, 29,5, correspond au nombre de jours
du mois lunaire, c’est-à-dire de l’intervalle entre deux nouvelles lunes).
Entre les deux fleuves:
Les premiers documents relatant des observations d’éclipses appartiennent à l’ancienne Babylone et datent du VIII siècle av. J.-C. Mais sans doute les astronomes babyloniens étaient- ils capables de procéder à de tels relevés depuis déjà plusieurs siècles. Rappelons à ce propos que le célèbre poème épique de Gilgamesh (Premier Empire sumérien, vers 2700 av. J.-C.) constitue une allégorie des mouvements célestes relatifs au Soleil et à la Lune. Les Babyloniens continuèrent de consigner des éclipses jusqu’au Ier siècle av. J.-C. Les enregistrements sont assez minutieux : on mesurait l’intervalle entre le début de l’éclipse et l’aube ou le coucher du Soleil à l’aide d’une clepsydre, la durée des différentes phases, le degré de totalité d’une éclipse en fractions du diamètre solaire ou lunaire. Le temps était compté en us, une unité équivalant à quatre minutes (temps nécessaire pour que la sphère céleste, en raison de la rotation de la Terre, tourne de 1°).
Voici les termes d’un rapport d’observation classique compilé à Babylone en 240 av. J.-C., sous le règne de la dynastie séleucide : «Huitième mois, quatorzième jour, à trois us avant l’aube [une éclipse de Lune] débuta sur le bord est [de la Lune]. [La Lune] disparut progressivement dans l’ombre.» Les documents babyloniens comprennent une quarantaine d’éclipses de Soleil et de Lune ; un seul compte rendu, néanmoins, concerne une éclipse totale de Soleil : celle survenue le 15 avril 136 av. J.-C. Elle fut certainement très sombre, car, d’après les termes du rapport d’observation, on vit les planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et « les étoiles ordinaires ».
On a beaucoup écrit sur l’aptitude présumée des Babyloniens à prédire les éclipses. En réalité, ils connaissaient probablement dès le II millénaire avant notre ère le fameux cycle de saros: ils savaient par conséquent que les éclipses se répètent à un intervalle de 18 ans et 11 jours. Cela constituait une méthode de prévision fiable pour les éclipses de Lune, qui sont visibles sur l’ensemble d’un hémisphère terrestre. Annoncer en revanche une éclipse de Soleil en un lieu donné aurait requis des connaissances assez précises quant aux dimensions relatives et aux distances du Soleil et de la Lune. C’est la raison pour laquelle les astronomes babyloniens étaient seulement capables de dire si une éclipse était possible ou non. Il faudra attendre l’ouvrage de Claude Ptolémée, un astronome qui vécut à Alexandrie au II siècle apr. J.-C., pour disposer d’une base de calcul permettant de prévoir les éclipses de Soleil.
De l’autre côté de l’océan, l’expansion de la civilisation maya débuta à peu près à l’époque où fleurissait l’œuvre de Ptolémée. Les astronomes de ce peuple découvrirent bien vite que les éclipses pouvaient se produire à des intervalles de cinq ou six mois synodiques lunaires. Ainsi, même s’ils n’étaient pas en mesure de prévoir le phénomène en question, ils dressaient des tableaux précisant les jours, considérés comme funestes, où une éclipse était envisageable.
Des ombres sur le Céleste Empire:
Nous avons déjà dit il propos tics comètes qui1 les éclipses figuraient elles aussi parmi les phénomènes consignés dans les annales chinoises antiques. Et là, curieusement, on rencontre une anecdote qui rattache l’histoire au mythe. On raconte en effet que Hsi et Ho, astronomes à la cour du légendaire empereur Yao (environ 2000 av. J.-C.), s’enivrèrent et ne furent plus capables d’observer une éclipse de Soleil, ce qui leur valut d’être exécutés. Bien que cet épisode soit généralement qualifié de légende, il n’en reste pas moins que des punitions sévères s’appliquaient aux astronomes qui n’accomplissaient pas correctement leur travail.
Les premiers comptes rendus chinois dignes de foi, relatifs aux éclipses et établis par les astronomes d’un seul petit État, Lu, sont plus ou moins contemporains des rapports babyloniens et remontent à 720 av. J.-C. Jusqu’en 480, on enregistra dans l’État de Lu au moins 37 éclipses de Soleil, dont trois totales. La précision des dates est remarquable, mais l’indication de l’heure fait malheureusement défaut, à l’instar de tout détail descriptif.
Avec l’avènement de la dynastie Han en 206 av. J.-C., l’observation des éclipses (et leur signification astrologique) devint, comme du reste celle des autres phénomènes célestes, une affaire d’État et bénéficia donc d’une plus profonde attention. Voici en quels termes est relatée une éclipse de Soleil presque totale survenue en 120 apr. J.-C. : «Une éclipse de Soleil eut lieu. Elle fut quasi complète, et sur la Terre ce fut pratiquement comme si le soir descendait. [Le Soleil] était à 11 degrés dans la [demeure lunaire] (Hsünu). La souveraine manifesta de l’aversion à son égard. Deux ans et trois mois plus tard, Teng, l’impératrice mère, mourut. » Les précis d’observations chinois renferment au total une dizaine d’enregistrements d’éclipses de Soleil, totales ou annulaires. Celui de 1292, en particulier, est l’une des rares des criptions claires d’une éclipse annulaire avant l’époque moderne : «Le Soleil avait l’aspect d’un anneau d’or. »
Des Grecs au Moyen Âge:
Reprenant le bagage mathématique descriptif et prédictif des Babyloniens dans le domaine astronomique, les Grecs ajoutèrent au tableau d’ensemble l’élaboration des premières théories concernant l’astronomie planétaire. C’est à eux que l’on doit, entre autres, le terme «éclipse» (de ekleipsis, qui signifie «défaut», «manque», par référence indubitable à l’apparence que le Soleil et la Lune revêtent au cours du phénomène). Les rapports d’observations d’éclipses de l’époque se révèlent toutefois assez approximatifs. l’Almageste de Ptolémée représente la meilleure source en la matière, mais ne se rapporte qu’à neuf éclipses de Lune. Au Moyen Âge, les observations des éclipses se multiplièrent. En Europe, elles furent consignées (la plupart du temps de manière non technique) dans les chroniques d’événements importants tenues au sein de divers monastères. Un exemple typique d’enregistrement monastique, un peu confus mais suffisamment clair pour comprendre que le phénomène ne fut pas total, concerne l’éclipse survenue à Prague le 2 août 1133 : «Une éclipse de Soleil étonnante se produisit; l’occultation s’installa peu à peu, jusqu’à ce qu’une couronne semblable à un croissant de Lune progresse vers la partie sud, en tournant ensuite vers l’est avant d’aller vers l’ouest. Elle évolua enfin pour rendre à l’astre son aspect d’origine.»
F. Richard Stephenson a calculé qu’au moins un cinquième des relevés historiques d’éclipses provenant du monde entier avant le XVIIIe siècle figure dans les chroniques monastiques italiennes. Le premier enregistrement fiable d’une éclipse totale observée dans une région italienne, la Sicile, est cependant beaucoup plus ancien puisqu’il se réfère au phénomène du 15 août 310 av. J.-C. ; on le trouve dans la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile (Ier siècle av. J.-C.). En racontant la fuite du tyran Agathocle qui, parti de Syracuse, força le blocus des navires carthaginois, Diodore déclare :
« Le salut leur parvint de façon inespérée au lever du jour. Le lendemain, il y eut une éclipse de Soleil au cours de laquelle l’obscurité la plus profonde s’établit et où l’on vit les étoiles briller dans le ciel. »
Faisons un pas en avant dans l’histoire pour nous arrêter un instant sur un autre compte rendu rédigé, cette fois, au Moyen Âge et concernant l’éclipse du 5 mai 840, qui témoigne à nouveau de l’immense frayeur des gens confrontés à ce type de phénomènes. Laissons la parole au chroniqueur André de Bergame : «À la troisième indiction, le Soleil fut obscurci, et les étoiles apparurent dans le ciel le troisième jour précédant les nones de mai, à la neuvième heure des litanies du Seigneur et pendant environ une demi-heure. Un grand effroi s’empara de l’assistance et nombreux furent ceux qui commencèrent à redouter que la fin de notre ère n’ait sonné. Mais tandis que s’échangeaient de telles pensées naïves, le Soleil se remit à briller en échappant à l’ombre qui l’avait tout d’abord enveloppé. »
Vidéo : les compréhension du phénomène éclipse
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