Les Arabes et les éclipses:
Dans les pays arabes, qui héritèrent l’immense patrimoine culturel du classicisme grec, on trouve deux types d’enregistrements d’éclipses à partir de 800 apr. J.-C. : le premier effectué avec beaucoup de sérieux par des astronomes confirmés, le second consigné fortuitement par divers auteurs dans un langage non technique. Dans le monde arabe, l’observation des éclipses revêtait de l’importance pour deux raisons : le besoin de vérifier la fiabilité des tables d’éclipses préexistantes (les astronomes arabes étaient capables de prédire une éclipse de Soleil avec une marge de 40 minutes seulement), et la possibilité de déterminer les différences de longitude sur la surface terrestre. Dans ce dernier cas, on utilisait exclusivement les éclipses de Lune. Étant donné qu’elles se produisent simultanément sur l’ensemble de la surface du globe où elles se révèlent visibles, il suffit de noter l’heure exacte du phénomène dans deux localités pour obtenir la différence de longitude entre celles-ci ; ou bien de comparer l’heure à laquelle l’éclipse survient dans une localité et celle résultant d’une table élaborée pour un lieu de longitude connu, afin d’avoir la différence de longitude entre le site d’observation et celui visé par la table en question. Grâce à cette méthode, l’astronome arabe al-Bïrünï, qui exerça son art à Ghazna, en Afghanistan, vers l’an 1000, put évaluer la différence de longitude entre Ghazna et Gorgan (Iran), villes distantes d’environ 1300 km, avec une erreur de 0,15 degré équivalant, sur le terrain, à seulement 13,5 km!
Utilité moderne des éclipses historiques:
Les anciens rapports d’observations d’éclipses sont très intéressants pour au moins deux raisons. La première concerne la stabilité du diamètre solaire. En 1979, John Eddy et Aram Boornazian formulèrent l’hypothèse selon laquelle le Soleil diminuerait de volume. Si tel était le cas, les éclipses totales devraient progressivement voir leur durée s’allonger, car le disque lunaire recouvrirait plus longtemps celui du Soleil. L’ampleur de la réduction présumée étant, quoi qu’il en soit minime, seuls des relevés extrêmement précis des temps permettraient de vérifier cette théorie, ce qui exclut tous ceux antérieurs au XVIIIe siècle. L’analyse accomplie jusqu’à présent tendrait à démentir l’hypothèse de la contraction.
La seconde raison se réfère à la durée du jour. Nul n’ignore que les marées des océans terrestres provoquées par la Lune exercent un effet de freinage sur la rotation de la Terre, en entraînant ainsi un allongement de la durée du jour. On a calculé qu’en cent ans cette dernière augmente d’environ 45 secondes. Mais à de plus longs intervalles, le retard s’accroît à raison du carré du temps écoulé. Il y a 1000 ans, l’écart devait donc atteindre une heure et quart, et même cinq heures il y a 2 000 ans. En possédant, comme nous l’avons vu, des comptes rendus d’observations d’éclipses qui remontent à ces époques, voire à des époques antérieures, on peut recueillir des informations assez fiables quant aux tendances de la vitesse de rotation terrestre, et ce même si les notes ne sont pas d’une précision irréprochable. Par exemple, si l’on ne tenait pas compte de l’augmentation de la longueur du jour, la bande de la totalité de l’éclipse du 4 mars 181 av. J.-C. ne serait pas passé par Changan (l’actuelle Xi’an), capitale de la dynastie des Han antérieurs, comme l’attestent en revanche les sources historiques chinoises. Ou bien encore, sans les corrections nécessaires, la tache d’ombre de l’éclipse de 484 apr. J.-C., observée à Athènes, serait décalée de plus de 20° vers l’ouest.
Par ailleurs, des enregistrements très minutieux, comme celui relatif à l’éclipse de 136 av. J.-C. déjà citée, prouvent que le problème est beaucoup plus complexe. À cause du simple ralentissement dû à l’effet de marée, la trajectoire de l’ombre aurait été décalée de plus de 22 degrés à l’est de Babylone. Il doit bien évidemment exister d’autres facteurs qui tendent à accélérer, au lieu de ralentir, la rotation terrestre et qui s’avèrent probablement liés à des baisses du niveau des mers, à une contraction de la planète ou à une expansion de son noyau. L’étude des éclipses historiques peut aider à faire la lumière sur toutes ces questions.
Vers l’époque moderne:
Il est possible que la première mention de la couronne solaire, à savoir l’atmosphère argentée qui apparaît autour du disque noir de la Lune, remonte à une inscription chinoise sur os divinatoires de 1307 av. J.-C. où l’on lit : «trois flammes dévorèrent le Soleil, et une grande étoile devint visible. » Cette description pourrait s’appliquer aux protubérances. Une autre citation antique ambiguë figure chez Plutarque, dans son De facie in orbae lunae (Ier siècle apr. J.-C.), où il est question d’une «splendeur» entourant le Soleil éclipsé. La première observation sûre se déroula quoi qu’il en soit à Corfou, durant l’éclipse de 968.
Au début du XVI siècle, Kepler fut le premier à émettre l’hypothèse que la couronne ferait partie du Soleil, et non pas d’une éventuelle atmosphère lunaire. Quelques décennies plus tard, l’italien Giacomo Filippo Maraldi fut en mesure de le démontrer, en faisant remarquer que la Lune traverse la couronne pendant l’éclipse, une couronne qui demeure fixe
autour du Soleil. Le premier à employer le terme «couronne» fut vraisemblablement l’Espagnol José Joaquin de Ferrer, qui observa les éclipses de 1803 et 1806.
C’est à Julius Firmicus Maternus que l’on doit la première observation incontestable des protubérances : très ancienne, elle date de l’éclipse survenue le 17 juillet 334 en Sicile.
Vers le milieu du XIX siècle, il devint également possible d’enregistrer les éclipses grâce à la photographie. La première image d’une éclipse de Soleil fut un daguerréotype réalisé par Berkowski, un photographe professionnel de l’observatoire de Kônigsberg (Prusse), lors de l’éclipse du 28 juillet 1851. On distingue la couronne interne et les protubérances. Et il fut définitivement prouvé à l’occasion de cette même éclipse que les protubérances appartiennent elles aussi au Soleil, puisque la Lune dans son mouvement venait recouvrir celles du bord est du Soleil au début du phénomène, et découvrait celles du bord ouest à la fin de l’éclipse.
Durant l’éclipse du 18 juillet 1860 visible en Espagne, l’Anglais Warren De La Rue et l’italien Angelo Secchi effectuèrent de meilleurs clichés photographiques grâce à l’utilisation des nouvelles plaques au collodion permettant des temps de pose beaucoup plus courts, et ils apportèrent ainsi la confirmation que les protubérances constituent des éléments du Soleil.
Vidéo : Les Arabes et les éclipses:
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