Le nouveau système solaire : Sortir des paradigmes
Le 24 août 2006, les astrophysiciens du monde entier réunis à Prague pour leur 26e assemblée générale ont déclaré impossible de continuer à qualifier Pluton de « neuvième planète du système solaire ». Cette « déchéance » de Pluton a fait couler beaucoup d’encre et a créé beaucoup d’incompréhension. «Pluton, près de quatre siècles après Galilée, succombe à son tour à une querelle d’experts », ai-je pu lire récemment dans un ouvrage sur la conquête de l’espace. Qu’en est-il exactement ?
C’est une erreur de parler ici de «querelle d’experts», car il ne s’agit pas du tout de cela. La vérité est que, depuis quelques années, grâce aux moyens modernes d’observation, plus d’une centaine de « Plutons » ont été découverts. On les appelle les «plutinos». Ils font partie d’un ensemble de centaines de milliers d’objets célestes tournant autour du Soleil au-delà de la planète Neptune : les « trans- neptuniens». Pluton est l’un des plus gros, le deuxième actuellement par la taille.
Fallait-il les appeler tous « planètes », sous le prétexte que Pluton en fait partie ? Fallait-il déclarer que le Soleil possédait des centaines de planètes, sans aucune distinction ? Ou bien fallait-il séparer dans une terminologie différente les huit planètes les plus importantes et les plus cohérentes pour leur position, leur masse, leur orbite, leur environnement, et les autres objets de type Pluton ? La logique penchait très clairement pour la deuxième solution.
Ce débat n’avait rien à voir avec un problème d’expertise scientifique, mais il se déclinait plutôt sur un mode linguistique et psychologique. Il s’agissait d’oser proposer au monde entier une nouvelle dénomination des objets du système solaire, logique et nécessaire compte tenu de l’évolution des connaissances, mais qui allait à l’encontre de ce que tout le monde avait appris dans ses études.
Sortir des paradigmes
Cette histoire est beaucoup plus intéressante et fondamentale qu’il n’y paraît de prime abord. Elle décrit clairement la difficulté générale qu’ont les êtres humains pour accepter l’évolution des connaissances et remettre en cause leurs certitudes. Chacun voudrait obtenir des réponses définitives à ses questions existentielles, quitte à les inventer, sans se rendre compte que, s’il obtenait toutes ces réponses, la vie ne vaudrait plus la peine d’être vécue.
Le bonheur se découvre dans la recherche, l’évolution, la créativité qui représente la participation de chacun d’entre nous à la grande histoire de l’humanité. Le métier de chercheur, au sens le plus large possible, est l’un des plus beaux métiers du monde, avec celui d’éducateur, les deux étant étroitement liés. Mais les chercheurs eux-mêmes ne sont pas exempts de ce besoin général de l’Homme de s’accrocher à des certitudes. Comme je l’ai écrit auparavant, le rêve de nombreux scientifiques, à chaque étape de l’évolution des connaissances, serait de découvrir une belle théorie universelle, complète, sans faille, qui explique tout, d’une manière logique. Une théorie claire et propre qui, au moins dans un premier temps, se présente comme un point d’ancrage, un repos, un refuge dans la complexité du monde réel. Mais lorsque la théorie est poussée dans ses derniers retranchements, apparaît toujours l’hiatus, le défaut qui lui permet de passer dans une dimension nouvelle. On comprend alors que ce point d’ancrage n’était qu’une étape, nécessaire mais éphémère, sur le chemin de notre compréhension du monde.
L’étude du système solaire l’illustre parfaitement. Jusqu’à Copernic, les chercheurs, ou plutôt les philosophes, avaient cherché à préserver l’image d’une Terre au centre du monde, malgré les observations de plus en plus précises du mouvement des planètes, qui pouvaient de moins en moins s’expliquer dans ce cadre. Puis est arrivé le modèle héliocen- trique dans lequel les planètes, y compris la Terre, tournaient autour d’un Soleil, lui-même centre du monde.
Dans le cadre des connaissances contemporaines, nous allons le voir, le système solaire est bien différent de cette image traditionnelle encore véhiculée un peu partout, en particulier dans les écoles. Non seulement les scientifiques ne doivent pas s’astreindre à rester dans les schémas établis de peur de choquer les gens, mais c’est justement leur rôle d’expliquer au public de quelle manière leur conception du monde évolue à la suite des nouvelles découvertes.
Vidéo : Le nouveau système solaire : Sortir des paradigmes
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