L’époque moderne
L’époque moderne:
En 1456, l’Autrichien Georg von Peuerbach fut le premier à vérifier de façon expérimentale les idées d’Aristote, en tentant de mesurer la parallaxe de la comète de Halley, c’est-à-dire d’en évaluer la distance. Dans son principe, la méthode était plutôt simple. Peuerbach et l’un de ses collègues observèrent la comète à quelques dizaines de kilomètres l’un de l’autre :
si l’astre était proche de la Terre, comme le disait Aristote, sa position par rapport au fond des étoiles fixes devait être différente pour chaque observateur; inversement, s’il était situé plus loin, au-delà de la Lune par exemple, les deux observateurs ne devaient pas remarquer de changements de position, ou tout au plus modestes, selon la précision des mesures et des instruments ; l’importance du changement de position devait aussi fournir, indirectement, la distance de l’astre par rapport à celle de la Lune. Il semble néanmoins que Peuerbach cherchait moins à mesurer la distance de la comète qu’à estimer la hauteur de la sphère du feu dans la cosmologie d’Aristote (c’est là, rappelons-le, que les comètes prenaient feu).
Le jour de Noël 1471, les Européens observèrent une comète qui fut suivie par les Coréens jusqu’au 17 février 1472. Elle possédait une queue de 50° et, en raison de la grande proximité de la Terre (un peu plus de 10 millions de km le 23 janvier), elle devint visible de jour. Ce fut la dernière des cinq comètes observées par Paolo dal Pozzo Toscanelli, le célèbre géographe italien dont les théories sur l’extension de l’Atlantique favorisèrent le voyage de Colomb. En observant sa première comète, en 1433, Toscanelli fut le premier en Occident à établir avec précision la position de ces astres ; il estima aussi bien la position de la tête entre les étoiles que la direction et la longueur de la queue. Johann Müller, dit Regiomontanus, élève de Peuerbach, tenta de calculer la parallaxe et la distance de la comète de 1472. Le résultat obtenu – neuf rayons terrestres – ébranlait la théorie d’Aristote, mais ne la renversait pas tout à fait, puisque l’astre se situait encore en dessous de la première sphère céleste, la sphère de la Lune.
Très lumineuse, la comète de 1533 atteignit la magnitude -2, même si sa queue n’était pas particulièrement longue. Elle fut observée par Copernic, par l’italien Jérôme Fracastor et par l’Allemand Peter Bienewitz, dit Apianus. Ces deux derniers notèrent l’un et l’autre que la queue des comètes était toujours dirigée à l’opposé du Soleil : la nature de ces corps devaient donc dépendre, d’une façon ou d’une autre, du Soleil. Cette caractéristique, qui était connue des Chinois depuis neuf siècles, revêtit une importance particulière en Europe, puisqu’elle était inconciliable avec la théorie dominante de l’aristotélisme.
En 1556, une autre comète passa très près de la Terre, à 12 millions de km, et atteignit la magnitude -2. Sa queue, plutôt courte, fut jugée «terrifiante» et «prodigieuse».
Le 1er novembre 1577, l’astre qui allait boule¬verser les idées des Européens sur les comètes fut aperçu au Pérou. Ce fut également l’une des comètes les plus lumineuses jamais observées : d’après une source japonaise, elle était «lumineuse comme la Lune». Visible à travers les nuages, comme la Lune, elle fut certaine¬ment plus brillante que Vénus. Sa queue était longue de 75°. Le 13 novembre, à la fin de l’après-midi, le Danois Tycho Brahe, un jeune homme de trente et un ans qui allait devenir le plus grand observateur du ciel de tous les temps, était en train de pêcher près de son observatoire d’Uraniborg, quand il vit une étoile très brillante qui aurait pu être Vénus si la belle planète n’avait pas été visible, à cette saison, dès le matin. Après le coucher du Soleil, l’étoile révéla sa vraie nature : c’était une comète particulièrement lumineuse, dotée d’une queue de plus de 20°.
Observée dans toute l’Europe, cette comète provoqua un débat théorique sans précédent. Cinq années auparavant, le terrible Danois avait observé une étoile nova dans la constellation de Cassiopée qui, compte tenu de ses mesures de parallaxe, devait certainement appartenir aux sphères célestes. L’univers aristotélicien était en train de vaciller : il n’était pas vrai que les deux étaient incorruptibles. Grâce à de précises mesures de parallaxe effectuées sur la comète, Tycho Brahe calcula qu’elle était au moins six fois plus éloignée que la lune des mesures de parallaxe mois précises furent aussi obtenues par d’autres astronomes célèbres de l’époque, dont Michael Mâstlin, le maître de Kepler. Toutes allaient dans la même direction : elles montraient que les comètes n’étaient pas, comme le pensait Aristote, des phénomènes sublunaires et contribuaient à les faire accéder à la dignité de corps célestes.
En 1618 apparurent trois comètes, dont la plus lumineuse, observée entre novembre 1618 et janvier 1619, devint même visible en plein jour et présenta une queue gigantesque. Ces trois comètes furent observées par Galilée, dont les travaux débouchèrent malheureusement sur une polémique stérile avec le jésuite Orazio Grassi. Avec cette querelle, durant laquelle le Pisan défendit des idées erronées et dépassées, le débat sur les comètes connut en quelque sorte un coup d’arrêt. Au même moment, en 1619, les Chinois observèrent une comète qui présenta une queue de 100°.
En 1664 et 1665 apparurent deux comètes qui n’étaient pas particulièrement grandes ni lumineuses, mais qui allaient susciter un nombre considérable de travaux scientifiques. Elles furent observées par les meilleurs astronomes de l’époque : Hevelius, Huygens, Cassini, Borelli et Hooke. Alors que Hevelius et Huygens estimaient que les comètes étaient des objets de nature éphémère dotés d’un mouvement rectiligne uniforme, Hooke pensait à des corps célestes permanents animés d’un mouvement rectiligne. Cassini et Borelli étaient les plus «modernes», puisqu’ils soutenaient que les comètes parcouraient des des orbites fermées (même si Cassini pensait que la comète de 1664 tournait, non pas autour du Soleil, mais autour de l’étoile Sirius).
La comète de 1680 devint tellement lumineuse qu’elle fut visible en plein jour à 2° du Soleil. Un témoignage important sur cette apparition se trouve dans le journal manuscrit de Bernardino Pagani, conservé à la Biblioteca Civica de Belluno : «… Je me rendis sur la place de cette ville avec beaucoup d’autres pour voir pendant de nombreux jours une étoile comète qui avait déjà été vue par d’autres auparavant; j’observai qu’elle était vraiment monstrueuse et extravagante, car elle avait, bien que toute petite à nos yeux, une bande radiale très grande et très longue qui, à la vérité, faisait grande horreur.» La comète de 1680 fut la première qui fut découverte au télescope, par Gottfried Kirch, et la première pour laquelle fut calculée une orbite parabolique, par Georg Dôrffel. Deux jours après l’avoir observée de jour, John Flamsteed, astronome à la cour d’Angleterre, ne vit plus que la queue dans le ciel du soir, alors que la chevelure n’émergea de la perturbation solaire que deux jours plus tard. La queue atteignit 80° de longueur.
Le dernier à l’observer fut le grand Isaac Newton, qui la suivit au télescope un an après sa découverte. Au début, Newton était convaincu que les comètes suivaient des orbites rectilignes, mais il changea ensuite d’opinion, après en avoir notamment discuté avec Edmond Halley. Ce dernier, qui s’efforçait de convaincre Newton de publier l’ouvrage où seraient exposés les principes de la gravitation universelle, s’intéressait particulièrement à la comète de 1682. L’astre n’était pas très lumineux, mais en étudiant de manière approfondie son orbite et celle de 23 autres comètes qui étaient apparues durant les trois siècles précédents, Halley s’aperçut que ses éléments orbitaux étaient très semblables à ceux des comètes de 1531 et de 1607 : il s’agissait de la même comète, qui parcourait une orbite fermée, elliptique, en une période d’environ 76 ans. C’était une découverte fondamentale, qui élevait définitivement les comètes au rang de corps célestes. L’astronome anglais s’avança encore plus loin en prévoyant le retour de « sa» comète en 1759, ce qui fut vérifié quatorze ans après sa mort.
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