Les distorsions de l’espace et du temps
Une autre manière de décrire un trou noir consiste à dire qu’il s’agit d’un lieu où les tissus de l’espace et du temps sont hautement distordus. Une ligne droite, qui est définie en physique comme le trajet suivi par la lumière qui se propage dans le vide, devient courbe au voisinage d’un trou noir. Et, au fur et à mesure qu’un objet approche d’un trou noir, le temps lui- même se comporte de façon bizarre, du moins tel que le perçoit un observateur placé à une distance de sécurité du trou noir.
Supposez que vous soyez cet observateur. Vous êtes à cette distance suffisante du trou noir pour ne pas être en danger, mais vous avez lancé une sonde automatique vers le trou noir. Un grand panneau électrique fixé sur un flanc de la sonde affiche l’heure qui est donnée par une horloge embarquée.
Vous observez l’horloge avec un télescope depuis votre vaisseau spatial alors que la sonde automatique tombe sur le trou noir. Vous remarquez que l’horloge tourne de plus en plus lentement au fur et à mesure que la sonde s’approche du trou noir. En fait, vous ne pourrez jamais voir la sonde tomber dessus. Vous la verrez devenir de plus en plus rouge, car la lumière qu’elle émet subit le décalage vers le rouge causé par le fort champ de gravitation du trou noir. Au bout d’un moment, l’éclat du panneau électrique sera décalé vers la lumière infrarouge, que vos yeux ne peuvent détecter.
Imaginez maintenant ce que vous verriez si vous étiez à bord de la sonde en train de tomber. (N’essayez pas de faire ça chez vous, ni d’ailleurs nulle part ailleurs !) Vous pouvez voir la face de l’horloge à l’intérieur de la sonde, et jeter un cou d’œil en arrière vers l’endroit d’où vous venez à travers un hublot. Vous, l’infortuné observateur embarqué, voyez que l’horloge fonctionne parfaitement bien. Vous ne percevez pas du tout qu’elle tourne lentement. En regardant à travers le hublot le vaisseau dont vous venez et les étoiles, toutes les couleurs semblent décalées vers le bleu. Vous-même, vous êtes bleu (ou vert ?) à la pensée de ne plus jamais pouvoir rentrer à la maison. Vous traversez une frontière invisible autour du trou noir en un rien de temps. Cette frontière, c’est l’horizon des événements, et une fois que vous l’avez passé, vous ne pouvez plus voir l’extérieur, et personne ne peut vous voir. Ce que l’on observe depuis le vaisseau qui a lancé la sonde, c’est que vous n’entrez jamais dans le trou noir, mais que vous vous en approchez simplement de plus en plus.
Les trous noirs stellaires (les petits trous noirs) sont les plus mortels, de même qu’il existe de petites araignées qui sont plus venimeuses que des grandes tarentules. Si vous tombez dans un trou noir stellaire, vous êtes déchiré en lambeaux et comprimé avant même d’entrer, et vous ne pouvez même pas observer l’univers en train de disparaître avant de disparaître vous même. Tomber dans un trou noir supermassif est une expérience plus heureuse. Vous franchissez l’horizon des événements et vous pouvez voir l’univers en train de s’obscurcir avant de subir les fatidiques forces de marée. Étant donné que les trous noirs sont situés partout autour de nous dans l’Univers, vous comprenez maintenant pourquoi les scientifiques veulent les localiser et les étudier… mais à bonne distance.